MOURIR D'AMOUR

Elle est partie de ses montagnes,
a traversé des vertes campagnes,
des ruisseaux, des hameaux,
le coeur vide, sans sac à dos.
Elle a revu sa vie natale,
ses premiers pas, son premier bal,
ses passions, ses aimés,
sous le froid après l'été.
Sur son passage on lui criait:
" Où vas-tu donc? Viens te poser!"
Mais son arbre d'où elle venait
ne pensait pas, lui, la rappeler!
Elle a passé les marécages
où se perdent souvent les âges;
Évité les frustrations
qui par clonage effacent les noms;
Survolé toutes les beautés
même des mers aux larmes dorées;
Elle résistait souvent les nuits
pour être à l'heure des jours qui fuient,
pouvoir ainsi suivre le soleil
dès que l'aube se réveille:
"c'est aujourd'hui (elle se disait)
qu'un bout d'chaleur j'attraperai!"
Mais quand le soir prenaient leur place
la lune si fière et ses angoisses,
derrière une bise, elle se cachait,
des yeux aveugles, pour y pleurer:
"Ô! souffle de ma vie
soutiens moi encore cette nuit
pour que demain je tourbillonne
entre tes airs où il rayonne!"
C'est à son dernier jour accordé
que ce soleil l'a remarquée.
Les vents ne la portaient plus,
elle ne frissonnait que par l'inconnu.
Touché par sa volonté
d'un peu de chaleur partagée,
il lui désigna dans sa lumière
un bout de terre fraîchement ouvert;
Elle l'aura suivi jusqu'au bout:
Elle se posa au fond du trou.
La nature doucement la recouvrit
toute une saison pour porter fruit;
Alors de cette chaude terre jaillit la force
d'une feuille morte sous soleil Corse...

Comme l'arbre qui se déracine
elle quitte sa vie sans oublier ses origines.
Comme le tournesol se tournant vers le soleil
elle est attirée par la chaleur qui l'appelle.
Comme le saumon qui remonte la rivière
elle se bat pour trouver sa lumière.

Et si comme la feuille on ose le parcours
qu'importe de mourir puisque c'est d'Amour.

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